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Dans le quartier de Lazaret à Niamey, Elhadj Abdou inspecte la dizaine de panneaux solaires qui ornent le toit de sa maison. Une scène de moins en moins rare dans la capitale nigérienne où les habitants se tournent progressivement vers cette énergie face aux coupures de courant.
"Ici, plus de coupures d'électricité et c’est zéro facture à payer: tout marche à l'énergie solaire", se réjouit-il.
Sur le boulevard Tanimoune, Amadou Arzika nettoie à l'aide d'un mouchoir de grands panneaux photovoltaïques poussiéreux: "Les six là seront bientôt livrés à un client", affirme ce vendeur, casquette à l'envers et tee-shirt gris.
Adamou Barmini, un résident de la capitale, est formel: "les panneaux (solaires) sont à présent utilisés par tout le monde à cause des coupures qui peuvent durer jusqu'à trois heures".
Le déclic a eu lieu en 2023, lorsqu'une pénurie inédite d'énergie a frappé le pays.
Le Nigeria voisin avait suspendu une large partie de ses exportations d'électricité, dans le cadre de sanctions régionales pour protester contre le coup d’Etat qui a renversé le président civil Mohamed Bazoum.
Selon Haoua Amadou, la ministre de l'Energie du Niger, cette rupture avait engendré un "déficit de 30% à 50%" en électricité, obligeant la Société d'électricité (Nigelec) à imposer des délestages pouvant durer des journées entières, surtout dans la capitale.
Le Nigeria a depuis repris ses livraisons, mais "ne donne que 46 mégawatts au lieu des 80 mégawatts habituels", déplore la ministre.
En dépit des efforts pour renforcer les capacités locales de production, les délestages persistent à Niamey.
Particuliers et sociétés se tournent donc progressivement vers l'énergie solaire, dans ce pays sahélien parmi les plus ensoleillés au monde.
"On peut produire de l'électricité solaire pendant dix heures dans la journée", certifie l'ingénieur Maman Arzika.
- Abondance -
"Depuis deux ans, le marché du solaire est en pleine expansion (...) la demande reste forte", abonde Djibril Tata, un fournisseur d'équipements solaires, en se félicitant de son "chiffre d'affaires croissant".
"Les affaires marchent bien", confirme Hilaire Houndegnon, autre fournisseur, dont les ventes ont "plus que doublé" avec notamment 450 panneaux solaires écoulés en 2024.
D'après les experts, l'avènement des batteries lithium de très longue durée et un personnel de plus en plus qualifié ont nourri l'essor du solaire.
Les équipements sont surtout importés de Chine et sont vendus en pleine rue.
Une abondance d'offre qui rend les équipements plus accessibles. Les prix des panneaux solaires ont été divisés par deux, passant sous les 50.000 francs CFA (75 euros) pour les équipements de meilleure qualité.
"Même avec un petit budget, vous pouvez alimenter quelques ampoules, une télé et un ventilateur", explique Mahamadou Issa, un technicien.
Installé dans une ruelle de la ville, Ali Amadou, vendeur de fruits, s'est doté d'un minuscule panneau solaire: "La nuit je m'éclaire, le jour je recharge les téléphones portables". Il facture environ 100 francs CFA (0,15 euro) pour ce petit commerce d'appoint.
Dans le reste du pays, le solaire est également populaire pour alimenter les pompes destinées au forage d'eau potable dans des zones rurales reculées.
Des projets solaires, financés par des partenaires étrangers comme la Banque mondiale ou des organisations humanitaires arabes, permettent aussi d'équiper des écoles ou des hôpitaux afin de réfrigérer vaccins et médicaments.
En 2024, le Niger a mis en service sa toute première centrale solaire de 30 mégawatts près de Niamey, un chantier lancé avant le putsch avec notamment avec l'appui de l'Union européenne.
Et cet immense pays sahélien où le taux d'électrification est inférieur à 20% ne compte pas en rester là.
L'énergie solaire est totalement compatible avec la vision souverainiste de la junte au pouvoir qui veut réduire sa dépendance extérieure.
Plusieurs projets solaires sont donc au programme, dont un de 19 mégawatts à Agadez (nord) et un plus ambitieux de 200 mégawatts qui est à l'étude, assure la ministre Haoua Amadou.
Le Niger doit également bénéficier du projet "Desert to Power" financé par la Banque africaine de développement (BAD) qui ambitionne de faire du Sahel la plus grande zone de production solaire au monde avec 10.000 mégawatts de capacité.
Dans les années 80, le Niger avait déjà popularisé chauffe-eau, séchoirs et cuisinières solaires fabriqués localement, ainsi que des pompes à eau et des télévisions communautaires qui fonctionnaient déjà à l'énergie solaire, via des panneaux photovoltaïques.
Mais ce rêve du tout solaire avait été abandonné faute de financement.
D.Dvorak--TPP